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« J’accuse » 2.0

Tandis que la cyberhaine se répand, l’affaire Dreyfus n’a pas encore tout à fait dit son dernier mot. A l’instar d’Emile Zola, Maître Emmanuel Pierrat nous livre un J’accuse à la lumière d’archives inédites et inexploitées, pour mieux laisser entrevoir combien l’affaire nous éclaire sur certaines déviances de notre époque. Interview avec l’auteur du livre Les secrets de l’affaire « J’accuse « .

 

 

Bonjour Maître Emmanuel Pierrat, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?

 

Emmanuel Pierrat : On le voit malheureusement, la haine antisémite reste vivace aujourd’hui. Que l’on se souvienne encore récemment des portraits de Simone Veil recouverts de croix gammées ou le mot Juden tagué sur un magasin Bagelstein, des tombes régulièrement profanées…Une cyberhaine se répand tout particulièrement sur les réseaux sociaux favorisant la diffusion de contenus haineux, notamment antisémites. On parle d’une France divisée et ces divisions font le lit de ces discours.

 

C’est dans ce contexte que j’ai eu envie de revenir, sous un angle nouveau, sur ce sujet déjà traité de nombreuses fois : l’affaire Dreyfus et le célèbre « J’accuse » publié par Emile Zola dans L’Aurore le 13 janvier 1898. Ce qui m’a passionné, c’est ce personnage de Zola. Au début de l’affaire, il préfère se tenir à l’écart, convaincu comme beaucoup de la culpabilité de l’officier accusé de trahison. Mais, Zola va progressivement changer d’avis, notamment à la suite d’un dîner avec le très antisémite Edmond de Goncourt où il est sidéré de la haine exprimée. Comme il l’écrit à sa femme il « désire élargir le débat, en faire une énorme affaire d’humanité et de justice ». Cette évolution, ce changement radical de dimension aboutira à « J’accuse… ! ».

 

Également Conservateur du Musée du Barreau de Paris, j’ai eu accès à des archives inédites inexploitées, comme le dossier de plaidoirie de l’avocat Fernand Labori, qui défendit Zola. J’ai ainsi eu envie de rendre accessibles au lecteur les coulisses de cette bataille juridique mémorable.

 

 

Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?

 

E.P. : Ce sont les premières lignes de l’article de Zola, alors qu’il interpelle le Président :

 

« Mais quelle tache de boue sur votre nom – j’allais dire sur votre règne – que cette abominable affaire Dreyfus ! Un conseil de guerre vient, par ordre, d’oser acquitter un Esterházy, soufflet suprême à toute vérité, à toute justice. Et c’est fini, la France a sur la joue cette souillure, l’histoire écrira que c’est sous votre présidence qu’un tel crime social a pu être commis.

 

Puisqu’ils ont osé, j’oserai aussi, moi. La vérité, je la dirai, car j’ai promis de la dire, si la justice, régulièrement saisie, ne la faisait pas, pleine et entière. Mon devoir est de parler, et je ne veux pas être complice. Mes nuits seraient hantées par le spectre de l’innocent qui expie là-bas, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu’il n’a pas commis. »

 

 

Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?

 

E.P. : Je suis attentif plus particulièrement à une nouvelle approche du discours historique, celle d’une « histoire engagée et objective ».

 

 

Si vous deviez donner un seul conseil à un lecture de cet article, quel serait-il ?

 

E.P. : Ne jamais se forcer à lire. Chercher les histoires, les sujets qui le passionnent.

 

 

En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?

 

E.P. : L’impératif d’une spiritualité laïque au sein d’un monde en voie de déshumanisation.

 

Le personnage de Raoul Villain, assassin de Jean-Jaurès.

 

La tyrannie de la transparence.

 

 

Merci Maître,

 

 

Merci Bertrand

 


Propos recueillis par Bertrand Jouvenot | Conseiller | Auteur | Speaker | Enseignant | Blogueur

 


Le livre : Les secrets de l’affaire « J’accuse », Maître Emmanuel Pierrat, Calmann-Lévy, 2019