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Les DRH vont devoir apprendre à ramer à contre-courant

Le numérique nous pousse à apprendre sans arrêt de nouvelles choses, tandis que désapprendre certaines, acquises par le passé, nous aiderait à progresser davantage ; les vérités, les méthodes, les savoirs et les techniques d’hier pouvant s’avérer anachroniques, voire contre-productives. Mais nous sommes tous conditionnés depuis notre tendre enfance pour apprendre et nous souvenir. Comment apprendre à désapprendre et à oublier ?

 

 

Les mutations technologiques sont telles que chaque professionnel est désormais condamné à devoir continuellement remettre à jour des compétences, voire à en développer de nouvelles. Trop lentes, nos entreprises ne peuvent pas suffisamment nous accompagner. Les formations peinent à suivre la cadence. Ce qui était vrai hier sera faux demain. Les compétences clefs d’avant-hier seront obsolètes après-demain. C’est donc en autodidactes qu’il nous faut désormais nous transformer. Or, les autodidactes souffrent d’un travers qui leur est propre : avoir le plus grand mal à accepter, à admettre, à reconnaître qu’ils ont appris de travers ou que ce qu’ils ont appris n’a plus de valeur. Pourquoi ? Sans doute parce que l’investissement consenti rend difficile un tel aveu.

 

En condamnant chaque professionnel à devenir un autodidacte perpétuel, le numérique s’apprête à bouleverser la question des ressources humaines en entreprises. Des vagues entières de personnes étant parvenues à s’auto-former, à actualiser leurs compétences, à en acquérir de nouvelles, mais rendues incapables de désapprendre, précisément à cause de cette posture d’autodidacte qu’elles se seront efforcées d’adopter,  ne sauront pas franchir la marche suivante de l’escalier digital que leurs sociétés doivent gravir. Un escalier qui semble d’ailleurs destiné à ne jamais se terminer…

 

Les entreprises doivent donc se préparer à repenser des politiques de gestion des ressources humaines reposant sur trois piliers : le rythme de la succession des vagues technologiques qui font tomber du navire suffisamment d’hommes et de femmes pour que l’on soit sur une nouvelle vague ; la durée et la difficulté de chaque nouvelle vague ; les aptitudes de celles et ceux restées à bord à demeurer au sein de l’équipage et pour combien de temps.

 

Tels des marins, qui bien souvent ne savent pas nager, le travailleur du 21ème siècle pourrait bien périr dans des aventures trop impétueuses, tels les hommes de Magellan qui moururent à bord du Victoria, le navire qui les emportait pour faire le tour du monde, tels les hommes de Christophe Colomb, tels les hommes des vaisseaux fantômes qui hantent les mers, sous le regard d’actionnaires restés à terre.